VENDREDI 21 MAI 2021
10 h 00 (HAE)

Soko Phay

Professeure, Université Paris 8 et Université Paris Lumières

Le retournement spéculaire. Quand le spectateur devient œuvre (en français)

 
Depuis les années soixante, le miroir médium est très présent dans l’art contemporain, moins comme reflet fidèle des apparences, mais plutôt comme critique de notre société dominée par la tyrannie du visible, du « présentisme » (François Hartog), et de la « transparence » (Byung-Chul Han). En intégrant le.la spectateur.trice à l’œuvre — ce qui brouille les frontières entre réalité et fiction —, l’artiste déconstruit la traditionnelle métaphore du miroir comme simple réceptacle du réel. Par le jeu du reflet, le miroir transforme le.la regardeur.euse en sujet artistique, exposé à tous les regards. En occupant une position de regardeur.euse-regardé.e, il.elle n’est plus un témoin passif mais devient, à son insu, actif et participe au devenir de l’œuvre. Michelangelo Pistoletto, Luciano Fabro, Jeppe Hein, Camilo Matiz ou Olivier Sidet créent des sculptures ou des installations qui inversent les regards et déconstruisent nos habitudes sensorielles. Leurs miroirs, loin d’être voués à la contemplation, incitent à nous déprendre de nos certitudes, à travers les reflets déformés, vides ou spectraux. Il s’agit ici d’étudier les différentes formes de retournements spéculaires qui participent au déconditionnement de la vision, tout en donnant à penser notre coexistence avec l’Autre.

Soko Phay est professeure en histoire et théorie de l’art contemporain à l’Université Paris 8 et au Nouveau collège d’Études politiques de l’Université Paris Lumières. Elle est directrice de recherche du Laboratoire « Arts des images et art contemporain ». Elle a consacré plusieurs livres et articles sur l’esthétique du miroir, dont Miroirs, appareils et autres dispositifs (dir., 2008) et Les vertiges du miroir dans l’art contemporain (2016). Elle mène également ses recherches sur l’art devant l’extrême, dans ses relations avec la mémoire et l’histoire. En ce sens, elle a codirigé des ouvrages collectifs, dont Cambodge cartographie de la mémoire (2017), Archives au présent (2017), Les génocides oubliés ? (2020).

Costantini, M. (2017). Miroir Miroir. Lausanne, Suisse : MUDAC.
Déotte, J.-L. (2004). L’époque des appareils. Paris : Lignes-Léo Scheer.
Han, B.-C. (2017). La société de transparence. Paris : Presses universitaires de France.
Harcourt, E. B. (2020). La société d’exposition : Désir et désobéissance à l’ère numérique. Paris : Éditions du Seuil.
Hartog, F. (2003). Régimes d’historicité : Présentisme et expériences du temps. Paris : Éditions du Seuil.
Phay, S. (2016). Les vertiges du miroir dans l’art contemporain. Dijon : Les Presses du réel.


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